En raison de la politique de l’enfant unique, voulue par les autorités chinoises, Liyun fut obligée d’avorter lorsqu’elle se trouva enceinte une deuxième fois. Mais l’opération s’est mal passée entraînant la stérilité de la jeune femme. La perte de son garçon, mort noyé, en fut d’autant plus ressentie par le couple qui décida de quitter sa cité industrielle du nord pour s’installer dans une petite bourgade côtière au sud du pays.
A partir de cette intrigue plutôt mince, Wang Xiaoshuai construit – mot choisi à dessein – une chronique sociale qui nous fait remonter jusqu’à la fin de la révolution culturelle pour arriver à la Chine d’aujourd’hui, en passant par les années 90 et l’apparition du capitalisme à la chinoise. Cependant, il n’y a pas de chronologie, les différentes périodes s’imbriquent et s’immiscent sans crier gare, en fonction d’événements ou d’incidents qui font remonter les souvenirs du couple. Ce choix de mise en scène qui pourrait donner un récit touffu, difficile à suivre, est au contraire limpide grâce à la maîtrise formelle dont fait preuve le réalisateur. Émouvants dans l’expression retenue de leur chagrin, Yaojun (Wang Jingchun) et Liyun (Yong Mei) s’effacent souvent, laissant aux événements historiques la place qu’il faut pour que le spectateur comprenne les drames qui se déroulent sous ses yeux. Là se trouve la réussite de So Long, My Son (Di Jiu Tian Chang – en français Adieu, mon fils), dans un récit qui, au bout du compte, nous permet de ressentir le coût social, payé par le peuple chinois, des soubresauts de la Chine contemporaine. Dans un récit qui ne manque pas de surprises, Wang Xiaoshuai insère avec talent la «petite» histoire de Yaojun et Liyun dans la «grande» histoire de leur pays. L’une illustrée par l’autre qui, en retour, explique le drame de la première.